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Par Kim GogginsÉté 2005, Vol 8 n°4
Les troubles du développement sont plus fréquents que n’importe quel autre trouble chez les patients des hôpitaux psychiatriques ontariens, touchant environ 19 pour cent des patients hospitalisés, mais pouvant atteindre 36 pour cent dans certains établissements. Toutefois, les besoins de ce groupe unique sont largement ignorés.
Cette lacune des services a donné lieu à une étude triennale dirigée par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) de Toronto, qui examine le profil de ce groupe de patients ainsi que ses besoins en matière de soins cliniques et de soutien. Selon le Dr Yona Lunsky, chef de l’étude et psychologue du Programme de double diagnostic de CAMH, « les soigants et le personnel de soutien sont extrêmement frustrés par le manque de ressources pour leurs clients ».
Les personnes atteintes d’un trouble du développement ont plus de risques que le reste de la population d’avoir une maladie mentale, mais il existe peu de services spécialisés dans les hôpitaux psychiatriques et leur personnel est souvent mal préparé à gérer les clients ayant un double diagnostic (combinaison de trouble du développement et de problèmes psychiatriques). Actuellement, il n’existe que cinq unités spécialisées pour malades hospitalisés ayant un double diagnostic et huit programmes pour malades externes dans les établissements psychiatriques ontariens. Ces programmes ne desservent que 20 pour cent des clients ayant un double diagnostic. Le Dr Lunsky, professeure adjointe en psychiatrie à l'Université de Toronto, dit que plusieurs facteurs entravent les soins : le manque de ressources communautaires spécialisées, un financement limité, une formation insuffisante des professionnels de la santé mentale sur les troubles du développement et le manque de coordination entre le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, qui subventionne les services psychiatriques, et le ministère des Services sociaux et communautaires, qui subventionne les services liés aux troubles du développement.
Lors de la première phase de l’étude, les chercheurs ont examiné les caractéristiques et les besoins de près de 13 000 patients, hospitalisés et externes, des hôpitaux psychiatriques ontariens en utilisant une base de données provinciale globale des projets d’évaluation de 1998 à 2002. Lors de la deuxième phase, ils ont enquêté auprès de neuf hôpitaux psychiatriques ontariens, ainsi qu’auprès de parties concernées des communautés, par le biais de visites sur le terrain, de groupes de discussion régionaux et d’entrevues avec des témoins privilégiés. L’enquête a révélé une préoccupation selon laquelle la plupart des membres du personnel ne recevaient qu’ une formation rudimentaire, si même ils en recevaient une, pour gérer les cas de double diagnostic. Ce manque de formation entraîne une médiocrité des soins, par exemple le fait de mal comprendre les comportements agressifs ou même le fait de poser un diagnostic erroné, ce qui peut conduire à un traitement inapproprié.
Selon Philip Burge, travailleur social et professeur adjoint en psychiatrie au département de psychiatrie de l'Université Queen de Kingston, en Ontario, « ces personnes sont aiguillées vers les services de traitement de la schizophrénie ou des troubles de l’humeur ou vers des services de réadaptation plus généraux et ne bénéficient d’aucun service spécialisé ».
Alex Conant, responsable de l’équipe mobile de consultation sur le double diagnostic du Providence Continuing Care Centre de Kingston, confirme la nécessité d’élargir les services spécialisés : « Les patients ayant un double diagnostic ne sont pas toujours en mesure de décrire avec précision leurs symptômes. Ils peuvent parfois recevoir plus de médicaments que nécessaire et ne pas être capables d’en signaler les effets secondaires, ce qui complique la tâche des personnes qui les soignent ».
Selon l’étude, les personnes ayant un double diagnostic ont tendance à passer plus de temps dans les hôpitaux psychiatriques que les autres patients. Bien que ces personnes aient besoin de niveaux de soins et de soutien plus élevés que le reste de la population, 12 pour cent seulement des quelque 400 patients ayant un double diagnostic et qui sont hospitalisés dans les hôpitaux psychiatriques ontariens devraient s’y trouver. Selon le Dr Lunsky, « globalement, les patients ayant un double diagnostic ont un niveau de soins recommandé supérieur à celui des autres patients mais ils n’ont pas pour autant un besoin supérieur en soins médicaux tertiaires ». Pourtant, 37 pour cent d’entre eux passent plus de cinq ans dans un hôpital. Ils continuent à y rester, non en raison de la gravité de leurs problèmes, mais parce qu’il n’existe pas de solution de rechange adéquate dans leur collectivité.
C’est pourquoi les spécialistes du double diagnostic demandent un accroissement des services communautaires. Les conclusions préliminaires de l’étude soulignent la nécessité de renforcer les moyens de soutien communautaires en santé mentale, comme les équipes communautaires de traitement actif et les établissements de traitement résidentiel qui proposent un soutien pour les besoins quotidiens ainsi que des services spécialisés comme du personnel infirmier en résidence, des interventions d’urgence et des liens directs vers des cliniciens dûment formés. Des lits réservés aux soins à court terme et aux soins de relève sont également nécessaires dans la collectivité, ainsi qu’une augmentation de la capacité d’accueil des hôpitaux généraux locaux.
La fourniture de soins appropriés passe bien évidemment par la disponibilité de ressources adéquates. Plusieurs nouvelles initiatives de financement des services de santé ont été adoptées au cours des deux dernières années, permettant la mise en place d’équipes spécialisées dans le double diagnostic, comme celle d’Alex Conant, qui couvre six comtés dans le Sud-Est de l’Ontario. L’équipe d’Alex Conant propose des consultations cliniques pour le traitement des clients ayant un double diagnostic, ainsi qu’une formation et une éducation, mais ses ressources sont ténues.
Le rapport final de cette étude, qui en est à sa deuxième année, sera publié en juin 2006. Le Dr Lunsky se montre optimiste et pense que les parties concernées tiendront compte des recommandations et reverront leurs pratiques pour mieux desservir ce groupe. L’étude a déjà contribué à rassembler les parties concernées : « Se rendre dans chaque région et donner aux gens l’occasion de s’exprimer a permis de tisser un réseau important et a mis les problèmes en évidence. Certaines personnes m’ont dit qu’elles avaient décidé de se rencontrer plus régulièrement pour mieux s’échanger leurs points de vue », a déclaré le Dr Lunsky.
Accédez au rapport de la phase 1 de l’étude
Les personnes atteintes d’un trouble du développement ont plus de risques que le reste de la population d'avoir une maladie mentale, mais il existe peu de services spécialisés dans les hôpitaux psychiatriques et leur personnel est souvent mal préparé à gérer les clients ayant un double diagnostic.
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