Un homme de 34 ans consulte à la demande d’un confrère
hospitalier pour traitement de lésions gingivales évoluant
depuis plusieurs mois, augmentant progressivement
de volume, devenant douloureuses et saignotant lors du
brossage. Le patient a bénéficié deux ans auparavant
d’une greffe rénale ayant entrainé la prise de Mycophénolate
mofétil (Cellcept® 750 mg/j), Prednisone (Cortancyl®
10 mg/j) et Ciclosporine (Néoral® 150 mg/j). L’examen clinique
confirme la présence d’une hypertrophie gingivale
localisée dans le seul secteur antérieur des maxillaires.
Celle-ci est par endroits inflammatoire, associée à la présence
de plaque dentaire.
Quel est votre diagnostic ?
Figure 1 : Lésions gingivales évoluant depuis plusieurs mois.
L. Ben Slama Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.
236
Réponse
Le diagnostic dans ce cas est relativement simple : il s’agit
d’une hypertrophie gingivale liée à la prise de ciclosporine.
Elle atteint essentiellement les papilles inter-dentaires, qui
sont de couleur rose pâle et de consistance ferme. Sa fréquence
est variable, de 15 à 80 %. Elle apparaît 3 à
4 mois après le début du traitement, mais parfois plus tôt
ou beaucoup plus tard, avec une intensité dépendante de
la dose. La mauvaise hygiène bucco-dentaire joue un rôle
important.
L’hypertrophie gingivale se caractérise histologiquement
par une hyperplasie du tissu conjonctif et des vaisseaux et
l’association d’une fibrose et d’infiltrats inflammatoires
lympho-plasmocytaires.
Il n’y a pas lieu de réaliser une biopsie préalable, la confirmation
histologique pouvant être apportée lors de l’examen
de la pièce d’exérèse.
Dans ce cas précis, le traitement a consisté d’abord en
l’élimination mécanique de la plaque dentaire, suivie de
deux cures d’azithromycine (Zithromax® 250 mb, 2 cps/j
pendant 3 j, arrêt une semaine puis reprise selon le même
mode, hors AMM). Ceci a entraîné une réduction de près
de 50 % de l’hypertrophie gingivale. En raison de la gêne
fonctionnelle et esthétique, une gingivectomie au bistouri
électrique a été réalisée sur le volume excédentaire résiduel.
La récidive étant inéluctable si la ciclosporine est continuée
à la même posologie, une recommandation de diminution
de la posologie avec suppléance par d’autres
immunodépresseurs, dans la mesure du possible, a été
faite au prescripteur. Le patient a été incité à une hygiène
plus rigoureuse.
RÉFÉRENCES
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2. Salard D, Parriaux N, Derancourt C, Aubin F, Bresson-Hadni S,
Miguet J-P, Laurent R. Manifestations dermatologiques chez les
transplantés hépatiques. Ann Dermatol Venereol, 2002;129:
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3. Rateitschak-Plüss EM, Hefti A, Lörtscher R, Thiel G. Initial observation
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administration of cyclosporin A affects gingival epithelium.
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enlargement following reduction in CsA dosage. J Clin Periodontol,
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gingival changes. J Clin Periodontol, 1991;18:107-11.
Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2004; 105, 4, 237-238
© Masson, Paris, 2004.
237
IMAGES
Pathologie de la muqueuse buccale
L. Ben Slama
Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale,Hôpital de la Salpêtrière, 45, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
Tirés à part : L. Ben Slama, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Tenon, 4 rue de Chine, 75020 Paris.
CAS No 2
Une jeune fille de 21 ans se présente à la consultation
avec de multiples nodules de 4 à 5 mm de diamètre au
niveau de la pointe et des bords marginaux de la langue
et de la lèvre supérieure, apparus en quelques semaines,
occasionnant une gêne discrète à l’élocution. Le reste de
l’examen clinique est normal, en particulier, il n’y a pas de
lésion cutanée notable. Un bilan biologique réalisé en ville
est normal, incluant une sérologie VIH 1 et 2 négative.
Dans les antécédents, la patiente signale un phéochromocytome
surrénalien diagnostiqué et traité 2 ans auparavant.
Un nodule thyroïdien récemment découvert est en
cours d’exploration.
Quel est votre diagnostic ?
Figure 1 : Multiples nodules de 4 à 5 mm de diamètre au niveau de la
pointe et des bords marginaux de la langue et de la lèvre supérieure.
L. Ben Slama Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.
238
Réponse
Les nodules observés, de petite taille, sont localisés, circonscrits
et font évoquer d’emblée des tumeurs bénignes.
Les diagnostics évoqués ont été fibromes, verrues, neurofibromes
ou fibro-xanthomes. Les verrues et neurofibromes
paraissaient peu probables en absence de lésions
cutanées associées ou de contexte d’immuno-dépression
pouvant justifier la présence de multiples lésions buccales
à human papilloma virus (hpv).
Cinq nodules de la pointe de la langue ont été enlevés
sous anesthésie locale et adressés à l’anatomopathologiste
(fig. 2). Le compte-rendu note un épithélium
d’aspect normal, les nodules étant constitués de multiples
filets nerveux entourés d’un périnèvre épaissi. Ce caractère
permet d’exclure le diagnostic de névromes solitaires.
Le diagnostic retenu est celui de névromes myéliniques,
évoquant une maladie héréditaire pouvant associer ce
tableau à un cancer médullaire thyroïdien. Lors de la consultation
de contrôle, la patiente confirme ce diagnostic,
aboutissement de l’exploration signalée. Elle est prise en
charge en endocrinologie pour complément de bilan et
traitement.
L’association d’une neurofibromatose de von Reclinghausen
et d’un phéochromocytome est relativement
courante, mais les névromes muqueux multiples sont toujours
associés aux signes cutanés de cette maladie, et la
distribution des lésions muqueuses est différente. L’association
de multiples neurofibromes muqueux à un phéochromcytome
et à un carcinome médullaire thyroïde fait
partie des syndromes des néoplasies endocrines multiples
(« multiple endocrine neoplasia syndrome » ou « MEN
syndrome »). Trois types différents sont actuellement distingués.
Le cas présenté correspond au IIb associant à la
triade décrite une hyperplasie des nerfs cornéens. Habituellement,
les névromes muqueux apparaissent longtemps
avant les pathologies malignes associées dans ces
syndromes, ce qui présente un réel intérêt de dépistage.
L’étio-pathogénie de ces multiples néoplasies endocrines
s’explique par un trouble métabolique survenant lors
de la migration des cellules d’origine neuro-ectodermique
à partir des crêtes neurales, les unes se différenciant en
cellules glandulaires, les autres en tissus nerveux.
RÉFÉRENCES
1. Jain S, Watson MA, DeBenedetti MK, Hiraki Y, Moley JF,
Milbrandt J. Expression profiles provide insights into early malignant
potential and skeletal abnormalities in multiple endocrine
neoplasia type 2B syndrome tumors. Cancer Res, 2004;64:
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Genetic basis and clinical expression. Surg Oncol, 2000;9:111-8.
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type IIb: a case report. Int J Paediatr Dent, 1998;8:55-60.
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Diagn Pathol, 1994;11:107-17.
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multiple endocrine neoplasia. Medicine, 1975;54: 89-112.
Figure 2 : Histologie (HES X 25). Epithélium d’aspect normal, les nodules
étant constitués de multiples filets nerveux entourés d’un périnèvre
épaissi.
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Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:57-58
Masson, Paris, 2006
Images
Présentation inhabituelle d’une pathologie courante
I. Loeb, M. Shahla
Service de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-faciale (Pr J. Van Reck), CHU Saint-Pierre, Bruxelles, Belgique.
isabelleloeb@yahoo.fr
Correspondance :
I. Loeb,
Service de Stomatologie et Chirurgie
Maxillo-faciale (Pr J. Van Reck),
CHU Saint-Pierre,
129, boulevard de Waterloo,
1000 Bruxelles, Belgique.
n patient âgé de 80 ans, d’origine marocaine, est
admis dans le département de chirurgie maxillofaciale,
pour des lésions faciales et buccales très douloureuses,
évoluant depuis environ une semaine.
La biologie exprime un syndrome inflammatoire.
L’examen clinique montre la présence d’un érythème hémifacial
droit recouvert de lésions de type « vésicules » à différents stades
d’évolution (fig. 1). Ces lésions évoluent sur l’ensemble du territoire
du nerf trijumeau droit, à savoir : les régions temporale, sousorbitaire,
pré-auriculaire, paranasale et commissurale, les hémilèvres
supérieure et inférieure avec la région mentonnière, l’hémipalais,
la joue et l’hémi-langue droits (fig. 2 et 3). Le conduit auditif
externe est respecté ainsi que la paupière supérieure. On note
également la présence d’adénopathies cervicales unilatérales.
Dans les antécédents de ce patient on retrouve une bronchopneumopathie
chronique obstructive, un diabète insulinodépendant
équilibré, une cardiomyopathie ischémique et un
syndrome du tako-tsubo.
Quel est votre diagnostic ?
1 3
Figure 1. Patient vu de profil.
Figure 2. Lésions hémi-langue droite.
Figure 3. Lésions palais et joue droits.
2
U
I. Loeb, M. Shahla Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:57-58
58
Réponse
Il s’agit d’un zona du nerf trijumeau entreprenant ses trois
branches.
Le nerf trijumeau, sensitivo-moteur, anime les muscles de la
mastication et donne la sensibilité à la face, l’orbite, les fosses
nasales et la cavité buccale. Les fibres sensitives prennent naissance
dans le ganglion de Gasser.
Le nerf trijumeau se compose de trois branches : ophtalmique,
maxillaire supérieur et mandibulaire. C’est la branche ophtalmique
qui est la plus fréquemment atteinte en cas de zona. S’il
est habituel de retrouver une atteinte zostérienne trigéminale
d’une ou deux branches du nerf, l’atteinte simultanée des trois
branches est exceptionnelle.
Le zona est une infection localisée, unilatérale, due à la réactivation
du virus de la varicelle, « varicelle-zoster » (VZ), virus à
DNA [1]. Cette affection se rencontre plus fréquemment chez
les sujets âgés ou immunodéprimés, sans prédilection de sexe
ou de race.
L’éruption vésiculeuse est habituellement précédée de douleurs,
parfois intenses, allant d’un simple prurit à de véritables
sensations de brûlures. Le patient se plaint parfois avant
l’apparition des lésions cutanéo-muqueuses, de paresthésies
ou hyperesthésies dans le territoire du dermatome concerné.
Les signes généraux accompagnateurs sont peu fréquents :
malaise, céphalées ou encore pyrexie [2].
Les adénopathies réactionnelles unilatérales sont habituelles.
Les vésicules apparaissent le plus souvent groupées et évoluent
sur un fond érythémateux. Elles se rompent au bout
d’une dizaine d’heures, et laissent la place à une petite ulcération
rapidement recouverte d’une croûte qui peut persister
plusieurs semaines. De nouvelles vésicules peuvent apparaître
pendant plusieurs jours ce qui explique le tableau clinique
classique de lésions cutanéo-muqueuses à différents stades
d’évolution.
Le diagnostic, principalement clinique, peut être confirmé
par l’isolement du virus à partir des fluides des vésicules (culture
ou immunofluorescence) ou encore par des tests sérologiques.
Le diagnostic différentiel, difficile en phase pré-éruptive, se
pose lors de l’éruption avec une infection bactérienne (impétigo),
un herpès zostériforme, une dermatite de contact ou
encore une brûlure.
La pathogénie de cette affection n’est pas encore complètement
élucidée. Au cours de l’épisode de varicelle (primo-infection),
le virus « varicella-zoster » (VZ) présent en grande
quantité dans les lésions cutanéo-muqueuses progresse de
manière centripète vers le ganglion où il reste latent [3]. Sa
réactivation est relativement rare et sporadique, mais peut
parfois correspondre à certaines situations telles que : la prise
d’immunosuppresseurs ou de corticoïdes, l’existence d’une
néoplasie, d’un traumatisme local…
Le traitement habituel dont a, par ailleurs, bénéficié notre
patient consiste en l’administration d’acyclovir (Zovirax• )
3 x 500mg/jour en IV lente, de paracétamol (Perfusalgan• )
3 x 1 g/jour en IV, de gabapentine (Neurontin•) 3 x 300 mg
per os, et d’un complexe vitaminé B1-2-6-12 (Befacte forte• )
3 comp./jour [4].
La complication majeure du zona est la névralgie post-zostérienne,
souvent accompagnée d’hypoesthésie du territoire
atteint. Elle se retrouve dans 10 à 15 % des cas, apparaît après la
disparition des croûtes et peut persister plusieurs mois. Son
incidence augmente avec l’âge et elle est relativement rebelle
aux traitements classiques.
En cas de zona ophtalmique on peut observer des complications
plus spécifiques telles que des ulcérations cornéennes,
des rétractions palpébrales, une ptose paralytique, une névrite
optique…
Références
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zoster of the trijeminal nerve: a case report and review of the literature.
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4. Watson CP. Management issues of neuropathic trigeminal pain
from a medical perspective. J Orofac Pain 2004;18:366-73.
Tumeur ge´ante du plancher de la bouche
Giant tumour of the mouth floor
A. Ortiz1, P. Laime1, F. Gabler2, M.A. Inostroza3, R. Pantoja3*
1 Unite´ de chirurgie de la teˆte et du cou, hoˆpital clinique San Borja-Arriara´n, Santiago, Chili
2 Service d’anatomie pathologique, hoˆpital clinique San Borja-Arriara´n, Santiago, Chili
3 Unite´ de chirurgie maxillofaciale, hoˆpital clinique San Borja-Arriara´n, Santiago, Chili
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
Une jeune femme de 23 ans, d’origine colombienne,
sans ante´ce´dent pathologique, pre´sente une volumineuse
tume´faction du plancher buccal. La
tumeur repousse la langue en arrie`re, alte´rant se´ve`rement
la phonation et la de´glutition. La de´formation touche la
re´gion sous mentale ( fig. 1 et 2). Cette tumeur est connue
depuis dix ans, elle a e´te´ ponctionne´e et aspire´e a` plusieurs
reprises dans son pays, toujours avec une re´cidive pre´coce.
La palpation bimanuelle confirme le caracte`re unique de la
tumeur. Elle est indolore et fluctuante. L’image scanner montre
une e´norme le´sion kystique, bien contourne´e. E´ trangle´e
par lemusclemylohyo¨ıdien, elle a un aspect en sablier ( fig. 3).
Figure 1. Vue endobuccale de la le´sion.
* Auteur correspondant.
Las Bellotas 199 of. 83, Providencia, Santiago, Chili.
e-mail : rpantoja@vtr.net
Figure 2. La tume´faction sous-mandibulaire vue de profil.
Rec¸u le :
20 juin 2007
Accepte´ le :
11 octobre 2007
Disponible en ligne
21 de´cembre 2007
Images
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